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Sommaire du volume 2

 

Chapitre 4 - Yuukei Yesterday II (partie 1)

Attention : Cet article est actuellement en cours de check (par ene) : des fautes d'orthographes peuvent être présentes !

“Impressionnant …. Elle a déjà battu trente-deux personnes….”

“D’ailleurs, j’ai entendu dire que c’est elle la novice qui est arrivée deuxième au tournoi national de ‘DEAD BULLET-1989-’”

“…!! C’est elle, ‘La Danseuse Eclair – Ene - ’!? Alors c’est normal qu’elle soit si forte. Ah, regarde, elle a fait un nouveau meilleur score! …. Hein, mais pourquoi elle pleure?”

À présent, la Salle Préparatoire de Sciences était plus animée que jamais.

Sans prendre la peine d’essuyer les larmes qui coulaient de mes yeux, j’attrapai désespérément la manette.

Même si c’était vraiment douloureux, une fois la manette en main, je ne pouvais pas me laisser perdre.

Vu ma routine et mon caractère, c'était une de mes attitudes que je ne pouvais désormais plus changer.

Sur le large écran était montrée une main tenant un pistolet, et tandis qu’elle suivait les mouvements de ma manette et se positionnait à gauche ou à droite, je tirai sur les cibles.

A chaque fois qu’elles se faisaient tirer dessus, il y avait un cri qui faisait “Gyaaaaah!” , ainsi que des scènes vraiment horribles qui étaient montrées à l’écran, qui mettaient en avant du sang et des tripes, en totale opposition à l’apparence gentillette et assez mignonne des personnages, qui ressemblaient à des ours, ou des lapins.

“ C’était super, Takane! Tu as encore gagné ! Ah, non, euh… ce serait plus approprié si je t’appelais ‘Ene’, maintenant, non !?”

Haruka s’était accroupi à côté de mon siège de joueur, me parlant avec des étincelles dans les yeux, presque comme s’il était mon coach.

“Ferme… la… imbécile…”

Même si je pleurais déjà au point où je ne pouvais plus parler normalement, tout autour de moi, le public m’applaudissait généreusement pour ma victoire.

Le joueur qui venait d’être mon adversaire, habillé dans un style militaire, m’a salué chaudement et m’a dit “ Pardon pour mon impolitesse!

Avoir pu jouer avec ‘La Danseuse Eclair - Ene’…! C-C’était un honneur!“

Près de l’entrée se tenaient plusieurs gars assez robustes qui se disputaient le prochain tour ; “C’est moi qui joue après…” ou encore “ Non, c’est moi qui devrais être le prochain adversaire…”

Entre le nombre croissant d’élèves qui se réunissaient face à cette scène surréaliste, mais aussi les joueurs qui déboulaient après avoir entendu les rumeurs, c’était devenu un vrai enfer.

“Mais comment on en est arrivés là…”

Ma vison devint floue, à cause des larmes qui continuaient de tomber sur ma manette.


Le jour du festival culturel de l’école, tout ce grabuge avait commencé plusieurs heures auparavant.

Les trois bureaux, qui étaient habituellement en plein milieu de la salle, furent remplacés par un stand de jeu de tir superbement installé.

Bon, en vrai, ce n'était rien d'extraordinaire, c’était juste une grande table recouverte d'un drap, orné de dessins faits à la peinture fluo, avec un écran placé dessus. Mais les fenêtres avaient été recouvertes de carton, ce qui faisaient donc des écrans, mais aussi de la faible lueur de la peinture fluo, les seules sources de lumière de la salle.

Bien sûr, c’était aussi grâce au talent artistique d’Haruka, mais avec une telle disposition, on ne remarquait pas à quel point le jeu avait été fait à la va-vite.

“C-C’est bientôt l’heure, on dirait bien…. On se croirait dans un rêve…Dire qu’on a vraiment pu le faire et le finir, ce jeu ….!”

“Ouais, on s’est plutôt bien démerdés, je trouve ….! T’as bien bossé, Haruka ! Bon, je vais quand même essayer d’y jouer un peu, avant qu’on ouvre.”

Haruka, qui avait travaillé sur le jeu jusque tard hier soir, vu que pour une fois, il avait des cernes et moi, à côté, qui avait enfin eu une bonne nuit de sommeil, c’est-à-dire quinze heures, ce qui faisait que pour une fois, je n’avais pas les yeux cernés, commença à s’occuper des derniers petits détails avant l’ouverture de notre stand.

Une fois qu’Haruka avait allumé l’unité centrale, qui se trouvait sous la table, l’ordinateur afficha l’écran-titre du jeu, qui avait été bouclé par ses créateurs, Mr. Tateyama et Haruka.

Les un après les autres, les monstres-doudous apparurent, c’étaient les cibles qu’on devait abattre dans le jeu qu’Haruka avait nommé “Headphone Actor”.

Au début, je n’avais pas compris la signification du titre, mais quand j’ai vu que le “boss final qui contrôlait les monstres-doudous”, présent dans la dernière phase du jeu, me ressemblait comme deux gouttes d’eau, j’ai compris, avec aigreur, qu’en fait, ça voulait dire qu’il fallait “battre les monstres-doudous (les acteurs, d’où le ‘Actor’) que je contrôlais, portant un casque (d’où le ‘Headphone’)”.

Bien sûr, quand je l’ai réalisé, j’ai dit à Haruka d’aller se faire voir.

“…. Ce jeu me laisse vraiment un goût amer. Pourquoi je devrais me combattre moi-même ?”

“Eh bien, tu sais, les joueurs vont vouloir essayer de te vaincre, pas vrai ? Donc je me suis dit ‘Eh mais ce serait super bien si le boss ressemblait à Takane~!…. Mais j’avais oublié que toi, Takane, allais aussi jouer….”

“…. Comment t’as pu oublier un truc comme ça? …. Bon, après, les couleurs ont été changées et tout, donc ça me ressemble plus tellement.”

A l’origine, le boss final, “Takane N.2 (à lire dans la voix de Mr. Tateyama)” avait les mêmes cheveux noirs que moi, mais après une recoloration forcée de ma part, elle avait maintenant deux couettes bleu vif.

“Bon, même si je pouvais te pardonner pour ce… concept, pourquoi c’est aussi gore ? Ça en fait pas trop pour rien ?”

Après avoir sélectionné ‘START’ sur l’écran-titre, un monologue commença. Le lieu où se déroulait le jeu était une petite ville, et une fois encore, si elle ressemblait fortement à celle où on vivait, c’était à cause du choix artistique d’Haruka.

Quand on s’avançait, arme en main, d’adorables monstres-doudous de différentes tailles fonçaient sur vous, les uns après les autres.

A chaque fois que vous en tuiez un, du sang recouvrait l’écran accompagné d'un ‘splash !’ sonore, ce qui laissait le joueur avec un énorme sentiment de culpabilité.

“Ah, à propos de ça, je me suis inspiré du jeu dont tu avais parlé l’autre jour! Je pensais que tu aimerais ça.”

A l’instant où j’entendis ça, ma main glissa de ma manette, et après avoir été mordue par une peluche-singe, le jeu se termina.

Du sang dégoulinait du haut de l’écran, avant que “GAME OVER” n’apparaisse sur l’écran.

“T-T’as demandé au prof, au moins!?”

Après avoir passé toutes ses journées et ses nuits sur la programmation du jeu, une fois celui-ci terminé, Mr. Tateyama s'était écroulé sur son lit après avoir laissé échapper ces mots, “J’espère …. que tu plairas …. au Directeur …..”

Vu qu’Haruka était resté dormir chez Mr. Tateyama durant la semaine afin de faire le jeu, il était très probable que Mr. Tateyama lui avait dit toutes sortes de choses débiles et sans intérêt.

“Ah non, il ne m’a absolument rien dit. Je me souvenais t’avoir entendu en parler avant, donc j’ai cherché par moi-même.”

“A-Ah bon ? C’est …super alors…. Par contre, je pense que cet effet fait vraiment bizarre… Ça me donne pas du tout envie de jouer.”

Je recommençai le jeu depuis l’écran-titre, mais peu importe ce que l’on pouvait dire, ça faisait vraiment très bizarre de voir ces animaux super chous exploser en sang et en boyaux quand on leur tirait dessus. Si ça avait été des zombies qui nous attaquaient, ça aurait été plus marrant.

“Hahaha, désolé. Mais vu qu’on allait quand même faire avec, je voulais faire en sorte que ça te plaise, Takane ….”

Encore étonnée de ce qu’il m’avait dit, ma main glissa une nouvelle fois et cette fois, le jeu se termina à cause de l’attaque soudaine d’un cochon.

“C-C’est pas comme si j’aimais le gore ….!”

Ai-je marmonné tout en recommençant le jeu, ne voulant même pas regarder Haruka dans les yeux.

“Quoi!? Oh non, je suis tellement désolé, je pensais que tu allais aimer voir le sang et tout ça…. Ah mais quand j’y pense, c’est vrai que ça aurait été bizarre que tu aimes ce genre de trucs….”

“Haah …T’as vraiment rien compris. Ecoute-moi. Un bon jeu est un jeu passionnant. Les gens y jouent pour être aussi cool que le personnage principal, et pour avoir la vie qu’il a.”

Même si c’était assez subtil, c’était ça, le charme que je recherchais dans les jeux vidéos.

Peu importe qui on était dans la vraie vie, n’importe qui pouvait être un héros, dans un jeu vidéo.

Et c’était la principale explication de mon amour inconditionné des jeux vidéos.

“Oh… ! J’ai compris ! Je ne joue pas vraiment aux jeux vidéos, donc je n’y avais pas du tout pensé. Ah, alors du coup…ce jeu… il n’est pas si bien que ça, si ?”

Demanda très, très lentement Haruka.

Sans décoller mes yeux de l’écran et après avoir tiré sur un chat en pleine tête, je répondis “Perso, je l’aime bien ce jeu, en fait.”

J’entendis Haruka pousser un soupir de soulagement.

En jouant à ce jeu hier sans rechigner, j’ai pu obtenir des scores vraiment pas mauvais, seulement après quelques minutes.

A part mes ‘GAME OVER’ causés par les interventions d’Haruka, je ne faisais aucune erreur. Si ça continuait comme ça, alors personne ne pourrait me battre.

En plus, j’avais vaincu le créateur, Mr. Tateyama, en ayant eu plus que le triple de son score, qui était de “45000 points”, donc j’étais très confiante.

“Je suis sûr que tout va bien se passer! Si c’est toi, Takane, l’adversaire, alors personne ne pourra t’arriver à la cheville !”

“C’était pas évident? Je n’ai confiance qu’en mes mains ….. Ouah, il est déjà si tard que ça!? Le festival va commencer dans à peine cinq minutes ! Haruka, tout est bon !?”

“Ah, o-oui, tout est prêt! J’ai déjà tout installé hier, comme ça, tout sera prêt peu importe l’heure! Oh, je commence vraiment à stresser….”

Même si Haruka avait toujours été un gars plutôt relax, avec le festival qui commençait à pointer le bout de son nez à une rapidité déconcertante, il se leva de sa chaise et commença à faire les cent pas.

“M-Mais enfin, pourquoi t’es aussi nerveux !? Je te promets, je perdrai pas, alors relax!”

“O-Oui, je sais, mais… J’ai peur de ce que vont en penser les autres … Je sais pas ce que je ferai, si ils disent que le jeu est nul…”

Vu que le festival allait très bientôt commencer, je commençai moi aussi à me sentir tendue. Et en y repensant, il me sembla me souvenir avoir ressenti un truc similaire quand je suis partie faire le tournoi il y a déjà quelques jours.

Sauf que, cette fois, il ne fallait pas juste “avoir un super score,” mais aussi “faire passer un bon moment aux clients” et ça, c’était un peu plus chaud à faire.

Des petits aux grands …. Bon, avec un jeu comme ça, il y avait quand même un âge minimum à avoir, mais on devait quand même laisser jouer le plus de gens possible, sans discrimination.

Même si, d’accord, le jeu de Mr. Tateyama et Haruka était encore à revoir sur certains points, comme l’équilibre du jeu et son système, moi, je le trouvais vraiment intéressant et assez fun.

Je me devais de montrer le charme du jeu aux autres, mais aussi jouer d’une façon qui pouvait quand même leur faire passer un bon moment, tout en souriant le maximum possible.

“T’inquiète pas, ça va aller. On a vraiment fait tout ce qu’on pouvait, donc je suis sûre que tout le monde va kiffer !”

Au moment où je dis ça à Haruka, inquiet et anxieux, une annonce se fit entendre via le haut-parleur, situé près de l’horloge: “Le festival culturel va bientôt commencer, veuillez donc suivre les instructions du Comité Exécutif. Faisons en sorte que cet évènement soit le plus divertissant qui soit!”

Et à l’instant même où j’entendis ça, mon cœur commença à battre à cent à l’heure, complètement affolé.

Haruka s’était accroupi et presque assis sur le sol ; il commença à se dire à voix basse, “ Ça va aller, ça va aller….”

“A-Attends, ça commence, là ! Les gens vont venir bientôt, donc, euh…Reste dehors et fais le guide ! Et si jamais y’a des gens qui ont l’air intéressé, tu leur expliques tout, et ensuite, tu les fais rentrer !! D’accord!?”

“Ah, ahh, oui, oui ! …. D-D’accord… Tout va bien, tout va bien….”

Ainsi, Haruka se releva d’un seul coup, et trébucha en voulant atteindre la porte.

Et à ce moment-là, il se prit la porte en pleine tronche puis est parti, en faisant “Aïe aïe aïe ….”

“…. Ça va vraiment aller pour lui …?”

La petite musique du festival culturel commença à jouer depuis les mêmes haut-parleurs que tout à l’heure, ce qui voulait dire que le festival avait débuté.

Afin de rester dans l’ambiance, j’éteignis les haut-parleurs, ainsi que la lumière, et attendis qu’Haruka m’amène le premier joueur.

La salle noire n’était alors éclairée qu’avec la lumière de l’écran et de la peinture.

Parmi les deux chaises qui étaient en face de la grande table, je m’assis sur celle qui se trouvait à ma droite, le regard vide et dirigé vers l’écran-titre.

Derrière le titre “Headphone Actor” se trouvait un paysage urbain gris, et vu que le jeu se déroulait le soir, on pouvait distinguer le ciel teinté d’un violet profond et sombre, entre les différents bâtiments.

“Mais bon…ce jeu est vraiment de mauvais goût ….. Le prof et Haruka l’ont fait sans trop y réfléchir, mais si une fille joue à ce jeu, elle va grave flipper.”

Bah, vu comment est Haruka, il s’en ficherait un peu, et si une fille voulait y jouer, il l’emmènerait quand même, un grand sourire aux lèvres, comme je lui avais dit de faire.

—Non, ça pouvait vraiment mal tourner. Qu’est-ce qu’on allait faire, si la personne qui jouait était très sensible ?

Au moment même où ils ouvriraient la porte, ce qui sauterait à leurs yeux serait le jeu de tir si brutal et violent qui se trouvait dans la sombre et sinistre Salle Préparatoire de Sciences.

Et l’adversaire qu’ils allaient défier était la misérable, triste et lugubre personne que j’étais, en plus de voir mes yeux moches, hostiles et antipathiques, dans cette salle obscure… Houlà, je devrais arrêter de penser à moi, sinon je vais déprimer et rien n’allait s’arranger. J’allais finir par chialer.

Mais même si on me mettait à part en tant que facteur d’épouvante, c’est sûr, ce jeu n’était pas vraiment pour les filles ou les enfants.

Je devais faire gaffe à ce qu’Haruka explique ça très clairement.

Alors que je me levai, écroulée et déboussolée, la porte s’ouvrit.

Après plusieurs minutes passées dans le noir, voir soudainement de la lumière aveugla mes yeux un court instant, et je ne pus voir que la silhouette du joueur. Je paniquai l'espace d'une seconde, mais en voyant sa taille, ç'eut l’air d’être un homme adulte.

Rester silencieuse serait impoli et pas franchement accueillant, alors j’improvisai ;

“Ah, b-bonjour ! Notre classe a fait un jeu de tir! Si tu arrives à me vaincre, alors ce superbe prix—“

“J’me demandais contre qui j’allais jouer, et en fait, ce n'est qu’une fille. Mais bon, même le gars de dehors avait l’air facile à battre.”

Alors que je donnais une explication enthousiaste et mignonne en arborant mon meilleur sourire, cet homme avait tout foutu en l’air.

L’espace d’un instant, je fus clouée au sol, ne comprenant pas du tout la situation suite à ses mots crus et agressifs. Mais petit à petit, je réalisai qu’il essayait de se donner un genre, en faisant le dur.

“Ah …. euh …..”

Vu qu’il était le tout premier client et aussi parce que j’étais dès le départ pas très sociable, mon cœur battait et bien sûr, mes mains commençaient à trembler. Mon petit discours était réduit à néant, et même en croyant que même face à ça, je serais toujours capable de prendre la parole, il n’y avait que des balbutiements qui sortaient de ma bouche.

“Désolée ma petite, mais c’est pas ton jour de chance. On est venus parce que c’était le festival culturel de notre pote, et paf, on est tombés sur ce stand qui avait l’air sympa. Il est super bon aux jeux de tir, tu sais, donc il vous restera plus rien à donner. Tu piges ?”

Alors que mes yeux avaient commencé à se réhabituer à la lumière, je vis un autre homme venir de derrière le premier, qui avait aussi l’air de vouloir faire le bonhomme On dirait qu’ils formaient la paire.

“E-h bien, je remplirai au mieux mon rôle d’adversaire, alors …”

Même si je pouvais sentir de la sueur dégouliner dans mon dos, j’essayais de rester calme, tout en gardant le sourire.

Dès qu’ils avaient commencé à parler, je sentis qu’ils étaient mal-intentionnés, mais ils restaient les premiers clients.

Je me demandais s’ils étaient venus juste pour foutre le bordel au festival, afin de se défouler. J’arrivais pas à cerner le visage du gars, qui était apparemment fort aux jeux, à cause de ses lunettes de soleil.

Par contre, je sentais que l’homme derrière lui était un vrai connard.

“Bah, qu’est-ce qu’on s’en branle. Les jeux faits maison sont merdiques, de toute façon. De la tarte. Je me sens un peu coupable de dégoter la récompense aussi tôt, mais bon, vois le bon côté des choses, ça te fera grandir un peu.”

En même temps qu’il disait ça, il passa devant moi avant de s’avachir sur la chaise qui lui était destinée.

“Ca va vraiment pas être sympa pour toi, vu la raclée que tu vas te prendre. Tu le sais peut-être pas, ma jolie, mais il a été jusqu’aux demi-finales du tournoi d’un jeu appelé “DEAD BULLET-1989-”. Il a aussi participé à plein de tournois, donc tu vois, ma petite, il va te—”

Alors qu’il était en train de parler, il interrompit son délire, qui était devenu à peine supportable, en poussant un petit cri.

C’était soit parce que j’avais troqué mon sourire pour mon regard qui tue, soit parce qu’il s’était mordu la langue en racontant ses histoires.

“Ta-Takaneee ….”

Tout à coup, j’entendis la malheureuse petite voix qui m’était si familière.

De l’autre côté de la porte se tenait Haruka, les larmes aux yeux, et vu son visage terrifié, il avait sûrement été intimidé par ces hommes.

Je lui fis comprendre d’un geste de la main qu’il devait fermer la porte. Haruka hésita un court moment, mais après avoir soufflé un petit “Bonne chance ….!” , il ferma lentement la porte.

Tout en vérifiant qu’il l’avait bien fermée, je me retrouvai de nouveau dans la salle noire, et je me dirigeai vers la table.

Après m’être assise sur la chaise voisine du mec à lunettes, qui faisait un peu la gueule, je fixai de mes yeux l’écran-titre et j’ai, une nouvelle fois, ouvert ma bouche pour donner les explications.

“Permettez-moi de vous expliquer les règles une dernière fois. Ce jeu est un jeu de tir avec un système de points. Celui qui tue le plus de montres gagne. Il y a plusieurs niveaux de difficulté, donc lequel voudrais-tu prendre ?”

“Ben le plus dur, bien évidemment.”

“Très bien.”

En sélectionnant le bouton ‘SELECT’ sur l’écran-titre, je choisis la difficulté maximale, ‘EXTRA’.

Ce niveau de difficulté était, selon Mr. Tateyama, tellement dur que “si quelqu’un arrive à faire un score optimal avec ce niveau, alors c’est un véritable monstre.”

“Hé oh, une minute, papillon. Je doute pas que tu le saches déjà, mais interdit de tricher, d’accord?”

Avant même que je puisse le remarquer, le mec tape-à-l’œil s’était tenu derrière celui aux lunettes, et me dit ça, d’une façon bien plus méprisante que tout à l’heure.

Alors là, ça devenait vraiment inquiétant. C’était possible qu’ils pensaient qu’on allait changer la difficulté, mais que pour nous, comme ça, on pouvait gagner haut la main, en faussant le système de points.

“Bien sûr que non. Peut-être que tu veux qu’on échange de places ? Vu que c’est un système de points, comme ça, personne ne se plaindra du vainqueur.”

Tandis que je prononçai ces mots, mon grognon d’adversaire dit, tout simplement ; “Je m’en fous. Dépêche, qu’on puisse jouer.” avant d’enlever ses lunettes.

“…Alors c’est parti. Que le meilleur tireur gagne.”

J’ai chopé ma manette une première fois, je l’ai lâchée…puis je l’ai reprise. Une fois que je me sentis parfaitement sûre de moi, je pressai le bouton ‘START’ pour enfin commencer la partie.

Lorsque les monstres que nous devions combattre apparurent, le haut de l’écran en fut envahi, mais juste pour quelques secondes.

Notre affrontement ne pouvait durer que deux minutes. Et le gagnant était la personne qui réussissait à abattre le plus d’ennemis durant cette période.

Y’avait que deux différences par rapport au mode “un joueur”: déjà, même si on se faisait attaquer par un monstre, le jeu ne se finissait pas tout de suite, on aurait juste l’incapacité de bouger pour quelques secondes. Ensuite, si on réussissait à dégoter les objets bonus, on pouvait embrouiller la vue des ennemis en leur jetant du sang dessus.

Et à part ça, y’avait rien d’autre ; c’était un jeu tout simple, où le but était de tirer sur les monstres qui apparaissaient, mais justement, c’était cette simplicité qui permettait à un joueur de pleinement montrer ce qu'il avait vraiment dans le ventre.

Alors non, il n’y avait absolument rien de “merdique ” à propos de ce jeu.

Je devais impérativement remettre ce gars, qui s’était foutu de notre jeu, à sa place, et ça, coûte que coûte.

Cela faisait alors une minute et trente secondes que le jeu avait commencé. L’écart de points qu’il y avait entre moi et mon adversaire était déjà si grande qu’il n’avait maintenant aucune chance de me rattraper, et ça, même s’il le voulait vraiment.

Mes yeux collés à l’écran, je ne pouvais pas vraiment dire exactement quelle tronche il avait, mais vu les bruits d’étonnement qu’il faisait, il était vraiment mal. J’en avais eu une idée plus ou moins claire.

Je fis face aux ennemis qui se pointaient avec sang-froid et calme, et sans utiliser les objets qui pouvaient me permettre d’aveugler les monstres, je continuai à tirer sur les créatures.

Une sonnerie annonçant la fin du jeu se fit entendre, et les résultats s’affichèrent sur l’écran.

Par contre, peut-être parce qu’il savait déjà qu’il avait perdu, le triste homme regarda sa manette, sidéré. L’homme qui se tenait derrière lui en était aussi bouche bée.

Y’avait pas de doute. Etre capable de continuer à tirer au nombre croissant de monstres sans se relâcher ne dépendait pas du jeu, mais du joueur, tout simplement.

Eh oui, après tout, j’avais même lâché ma manette pour laisser les monstres m’attaquer, et j’avais quand même réussi. Alors on ne pouvait pas du tout se plaindre d’une telle performance.

“Et voilà. Merci beaucoup d’avoir joué. Le règlement ne permet pas de jouer plusieurs fois de suite, donc il faudra revenir dans une demi-heure si tu souhaites retenter ta chance.”

Même si je lui avais dit ça en souriant, mon grincheux ex-adversaire continuait à dire dans sa barbe le ô combien prévisible discours du mauvais perdant ; “C’est pas possible …. Comment j’ai pu….”

“Euh … la sortie c’est ….”

Alors que j’essayais de le faire sortir, il se leva et me cria dessus ;

“P-Putain mais t’es qui au juste !? J’ai jamais vu un aussi meilleur joueur que toi! Bordel…!!”

L’entendre dire des choses si exagérées était franchement devenu casse-burnes.

J’essayai de le faire dégager aussi vite que possible, en lui racontant des salades à peu près cohérentes “Avec de l’entraînement ….”

Sauf que l’écran qui montrait les résultats était trop lumineux, et après qu’il ait vu mon visage éclairé et ait ensuite reculé, je pris conscience de mon erreur.

Juste un peu plus tôt, le mec qui se la pétait parlait des demi-finales du tournoi de “DEAD BULLET-1989-”.

Vu que c’était un évènement national, ça avait fait pas mal de bruit, et j’avais été au milieu de plein d’autres joueurs.

Bon, après m’avoir regardé jouer, c’est vrai qu’on me pouvait dire assez douée. Mais là, j’avais vraiment pas envie que ce soit vrai.

“C-C’est vous….La Danseuse Eclair -Ene- !?”

—Tout était en train de partir en steak. S’il était un participant des demi-finales, et qu’en plus il était de la même région, alors c’était obligé qu’on se soit croisés au tournoi.

Et puis en plus, j’avais perdu le masque que j’avais spécialement fabriqué pour ce jour-là, donc j’avais joué avec mon visage entièrement dévoilé.

Pendant les demi-finales, j’avais fait une si belle performance qu’on avait ensuite appelé ça la “Légende Dansante” qui était devenue de loin la meilleure, tellement qu’elle en était presque inhumaine. J’étais vraiment rassurée que ces douloureuses demi-finales n’avaient pas été diffusées à la télé, mais penser que j’étais maintenant dans une telle situation, à cet endroit précis….

Vu que j’avais été agacée par ces gars, j’avais volontairement pris un air décontracté et relax, mais avec la tournure des évènements, je séchais une fois de plus.

“H-Hein ? A-Attends, elle est connue, cette nana ou quoi!?”

“Gros con, elle est pas juste ‘connue’…. !Elle a eu des résultats complètement pétés à plein de tournois, et le groupe dont elle est la chef, ‘Rondeau Eclair –Rondeau Eternel –’ fait partie du top 3 des meilleures aux compétitions en équipe—”

“Hiaaaaaah!! Vous vous êtes trompés de personne!! Arrêtez s’il vous plaît!! Je vous en prie, partez d’ici!!!”

Avec l’information, à propos du secret que je voulais cacher plus que tout au monde, finalement révélée, alors là, toutes les raisons possibles et imaginables de continuer s’étaient simplement envolées par la fenêtre.

“Aaaahh!! E-En plus, cette façon de jouer était sans aucun doute la spécialité d’Ene !,‘La Valse Fantôme –Le Saint Cauchemar–’ ….!”

Avec une sensation pareille à mes intestins qui se resserraient, j’avais l’impression que mon visage allait bientôt commencer à cracher du magma brûlant.

J’avais terriblement envie de les foutre dans un tonneau et les balancer très très loin. Genre derrière des montagnes, là où personne pourrait les trouver.

“M-Mais si je vous dis que vous faites erreur!! Ah, ah, mais partez d’ici !! Je vous en prie!!”

Peut-être parce que ça devenait un peu trop animé qu’au moment où j’ouvris la porte en grand, Haruka débarqua, inquiet.

“T-Takane! Tout va bien—!?”

“Aaaaahh! Toi aussi, barre-toi !! Que tout le monde SE TIRE—!!”

J’ai pointé du doigt la porte et ai crié. Tous les trois, dont Haruka, répondirent en coeur “T-tout de suite!” et sont partis en courant.

Je me suis rassise sur ma chaise, les épaules lourdes.

J’avais fait une épouvantable erreur de calcul. A croire que mon identité serait révélée aussi facilement….

Il y a avait aussi une chance que le mec morose de tout à l’heure vienne me voir un peu plus tard, en me disant un truc du genre, “Je m’excuse vraiment de mon attitude déplorable de tout à l’heure. J’ai été vraiment honoré d’avoir pu jouer contre toi.”

Nan, j’en étais sûre à cent pour cent. Il était probablement plus sage de ne pas me reconnecter, juste pour une histoire de quelques jours.

—Mais le problème, c’était Haruka. Oui, il était possible qu’il n’ait pas entendu la conversation de tout à l’heure, mais si ça n’avait pas été le cas…Juste y penser me donnait envie de vomir.

Non mais pour être franche, bien sûr que je savais à quel point ce surnom était gênant, et en plus, je l’avais fait sans réfléchir, tout comme ma “secte obscure et sans intérêt ”, à laquelle j’avais encore moins réfléchi.

Et en plus, voir que même le nom du style de jeu que tout le monde avait commencé à imiter serait dévoilé—

“J’ai pas d’autre choix que de supprimer mon compte et crever….”

Des larmes de honte commencèrent à couler sur mes joues.

Comme on pouvait s’attendre de lui, si Haruka apprenait ma chuunibyou1, même à quel point je le traitais d’imbécile comme j’en avais l’habitude, il en serait sûrement répugné, dégoûté et rebuté.

Notre amitié en serait brisée, et un mur se dresserait entre nous, et enfin, il me dirait, “Ah, Enomoto, bonjour….”, à coup sûr.

Et déjà, pourquoi une pauvre tarée comme moi, folle amoureuse des tournois, venait à cette école et à cette période-là ?

J’avais vraiment pas de pot.

Eh puis, en suivant la théorie selon laquelle Haruka avait tout entendu, je devais impérativement me trouver une excuse pour tout régler.

Sauf que c’était aussi très probable que s’il avait juste entendu ce qu’on disait par pur hasard, alors il aurait sûrement pas tout bien compris, sans connaître ni le contexte ni la signification de ces appellations.

Alors ça par contre, je n’en doutais absolument pas.

Ouaip, j’avais sûrement raison.

Et tout irait parfaitement bien.

“Takane, est-ce que ça va?”

“Oui, oui, t’inquiète… A—Aaaaaaaaaaah!! M-Mais depuis quand t’es là toi …!?”

Vu que j’étais si occupée à mener mes conflits intérieurs, je n’avais même pas remarqué qu’Haruka était tout d’un coup juste à côté ….

“Hein? Depuis quand….? Eh bien, à peu près depuis le moment où tu as dit, ‘J’ai pas d’autre choix que de supprimer mon compte et crever.’”

J’ai senti mon visage s’enflammer en seulement quelques millisecondes. Il m’avait même entendue parler à moi-même…

Dont le moment super gênant où je me souciais de mon compte…..

“A-ah non, tu te gourres ! Quand j’ai dit ‘compte’, en fait, je voulais dire— Ben, tu sais, c’est assez connu comme truc, nan? Le genre que t’utilises pour parler avec des potes….”

…Mais en vrai, y’avait quoi de “mal” à ça ? Bon, même si Haruka n’avait en effet rien entendu, c’était quand même vraiment très suspect, que je me trouve autant d’excuses tout en évitant de le regarder dans les yeux.

Ce qui serait vraiment bien par contre, c’est que quelqu’un vienne m’enfouir très profond dans le sol, et très loin, genre à la montagne.

Mais bizarrement, je me demandais quelle tête il faisait, alors j’ai lentement tourné la tête, et là, j’ai vu que, pour une raison ou pour une autre, les yeux d’Haruka s’embrasèrent avec une passion ardente.

“Mais Takane, c’était génial ! Au début, je trouvais que cette personne faisait un peu peur, mais après qu’il ait joué avec toi, il est revenu et il a été super gentil avec moi ! Il a même dit que notre jeu était super bien ! Hé, ça doit être ça, non ? Quand après la bataille, tout le monde devient ami !”

Haruka commença, d’un coup, à parler fougueusement.

Son ton apeuré et effrayé de tout à l’heure avait laissé place à un ton plein d’entrain, comme si une flamme sportive s’était ravivée.

Je me fichais un peu de la transformation soudaine d’Haruka, mais le fait qu’il n’ait rien mentionné me concernant directement m’avait vraiment rassurée.

Comme je le pensais, il n’avait rien entendu. En fait, en y réfléchissant, je réalisais que c’était tout bonnement impossible que ce gars-là avait une bonne audition. Je m’étais fait un sang d’encre pour que dalle.

“Ah? Alors, ils ont vraiment dit un truc comme ça, hein…. Bon, eh bien, si on souhaite apprendre ça de notre expérience d’aujourd’hui, alors plus d’inquiétude. Ben oui, si on me laisse s’occuper de tout, alors bien sûr que c’est facile de réussir un truc pareil !”

“Ouais! J’étais un peu inquiet, mais c’est super bien, en fait ! Et tout ça, c’est grâce à toi, Takane!”

C’est vrai. Même si ça avait été un peu bizarre, on a pu quand même faire en sorte que notre tout premier client passe un bon moment.

Et d’ailleurs, si je pouvais gagner aussi facilement face à un adversaire aussi fort, enfin, en espérant ne pas rencontrer le meilleur joueur du Japon, alors on ne perdrait même pas notre prix.

En voyant mes résultats, on partait déjà du bon pied. Si ces deux-là étaient déjà partis, alors on n’avait plus aucune raison de s’inquiéter.

Vu où est-ce que la Salle Préparatoire de Science se trouvait, ça allait sûrement pas être aussi bondé que dans les autres stands. Donc, j’imagine qu’on pouvait se relâcher un peu, en attendant les prochains clients.

Ma gorge encore serrée dûe à mon anxiété inutile, je décidai d’aller me chercher une boisson énergisante que j’avais mise sous la table, comme pour fêter ma victoire.

“Takane, tu es tellement fantastique….! Et tellement cool ! La Danseuse Eclair – Ene- !? J’aimerais tellement voir par moi-même cette technique, ‘La Valse Fantôme– Le Saint Cauchemard–‘”

Au lieu de descendre le long de ma gorge pour finalement atteindre mon estomac, la boisson énergisante qui se trouvait dans ma bouche se retrouva, en un crachat, dans l’air.

Le peu qu’il restait coula splendidement le long de ma tranchée, ce qui commença à me faire violemment tousser.

“Ouaaaaah!! Qu’est-ce qui t’arrive, tout d’un coup, Takane!? Ç-ça va !?”

Haruka essaya d’arranger les choses en frottant mon dos, mais si possible, alors j’aimerais m’enfuir d’ici et ne jamais revenir, là.

Ma jupe complètement imbibée de la boisson que j’avais recrachée, et mon étouffement terrible, faisaient petit à petit dissiper toutes mes penséees.

En fait, je voudrais plutôt mourir, ici et maintenant.

“Ouh … Haa …. Haa … Comment tu sais… ça…..!”

En reprenant, à peu près, ma respiration, je lui posai cette question tout en m’essuyant la bouche avec le dos de ma main. Mais peut-être était-ce bien trop tard pour demander ça. Après tout, il venait tout juste de dire mon pseudonyme et mon coup spécial, tout ça, sans bafouiller d’hésitation.

“Ah, ce client parlait vraiment de toi avec passion, Takane.Et j’étais si content d’apprendre des choses, aussi !”

“Ah, ahh, ahhhh …..”

Dans l’incapacité d’éponger la boisson de ma jupe, je ne pouvais que me plaindre en gémissant, ma tête en face du sol. C’était la fin.

Au revoir, ma vie de lycéenne. Le festival culturel avait vraiment été sympa, mais là, c’en devenait un souvenir que je voulais plutôt effacer de ma mémoire.

“Hein? Mais enfin? Comment tu peux être si triste à propos de ça? Takane, tu sais que tu es incroyable ! Tu es célèbre et tu as beaucoup de fans, non !? C’est presque comme si tu m’étais devenue étrangère, tout d’un coup…”

Haruka commença à carresser mon dos une fois de plus, sauf que les mots “comme si tu m’étais devenue” me poignardaient avec hargne dans le cœur.

C’était bien vrai. Quand on y réfléchissait sérieusement, j’étais très, très loin d’être une fille normale. Si j’avais comme passion le shopping, ou le lèche-vitrine, encore, ça irait. Et si j’aimais les activités de club, alors je serais vue comme une fille charmante et pleine de vie.

Le problème, c’est que je ne voyais pas de ce qu’il y avait de charmant dans une fille qui était une grosse joueuse d’un jeu de massacre aux zombies.

C’était juste parce que Haruka n’avait pas conscience de la situation qu’il pouvait dire ce genre de choses. S’il était au courant de ma routine quotidienne, alors là, il en serait vraiment écoeuré.

Et juste ça pouvait lui donner envie de ne plus être ami avec moi ; et juste en l’imaginant, ça m’effrayait.

“Mais-euh … Takane, je comprends pas trop pourquoi tu te tracasses autant, mais ce n’est pas comme si j’allais te détester, même à quel point tu pourrais changer. Alors ne sois pas si triste…Oh, je sais ! Tu pourrais m’apprendre comment on joue ? On pourra y jouer tous les deux, comme ça ! ….Euh, Takane, tu m’écoutes ?”

Haruka me dit ceci tout en câlinant mon dos.

Que ce mec l’ait réalisé ou non, le fait qu’il pouvait dire des trucs aussi gênants aussi aisément était vraiment ce qui me dérangeait. Il était probablement comme ça avec tout le monde. Peut-être qu’il était juste sincère et honnête, ou alors juste pur et innocent, mais il était quelqu’un de simple, en tout cas.

Mais c’était justement grâce à ça, que tout le truc où il me disait ne pas me détester était si réconfortant.

En y réfléchissant, moi aussi, j’étais simple.

Sans vraiment savoir si c’était parce que j’étais embarrassée ou parce que j’étais heureuse, j’avais une grosse envie de pleurer, incapable de répondre ou même de regarder Haruka.

“Hm, Pardon… ! Nous aimerions jouer… !”

Soudain, j’entendis une voix qui semblait appartenir à un client qui se tenait derrière la porte. Bien sûr, le festival culturel venait tout juste de commencer. C’était pas le moment de rêvasser.

En séchant mes larmes en toute vitesse, et en me dirigeant vers la porte, je remarquai que ma jupe était encore trempée.

“Oh …. Ahh …..”

Alors que mon corps faisait une pose, similaire à celle qu’on pouvait faire avant de courir sur une piste, Haruka me passa devant, à toute allure, afin d’ouvrir la porte et de sortir de la salle.

Mêms si, habituellement, il réagissait assez passivement et était assez lent d’esprit, il ne pouvait être, à ma surprise, dédaigneux et réactif que dans des moments comme ça.

Tout en prenant des mouchoirs de la boîte posée sur la table, j’essayais d’étancher du mieux que je pouvais, et le plus rapidement possible, ma jupe et le sol.

Vu qu’il n’y avait de renversé que ce qu’il y avait dans ma bouche, j’ai pu faire absorber la boisson énergisante en seulement quelques secondes.

Après les avoir mis en boule, je jetai les mouchoirs à la poubelle à l’arrière de la salle et me suis pointée vers la porte, comme si de rien n’était.

J’entrouvris la porte, en faisant signe à Haruka que tout allait bien, dorénavant. En face de moi se tenait le propriétaire de la voix que j’avais entendue plus tôt ; un garçon qui avait l’air d’être en troisième.

“Ah, c’est bon, tout va bien? On dirait qu’il a envie d’essayer, donc je compte sur toi pour le faire participer à une autre partie passionnante !!”

Haruka me dit ça avec des flammes ardentes dans son regard, comme tout à l’heure. C’était pas une compét’ sportive ou quoi, mais l’espoir de jouer avec moi, mais aussi que je fasses mon maximum, faisaient qu’il était un devenu un vrai supporter dans l’âme.

“Eh ben, on dirait qu’il a compris comment on pouvait se sentir,”pensai-je gaiement, tandis que moi aussi, j’attendais ce match, fougueusement impatiente.

“Ah, c’est avec vous que je vais jouer ? Oh, ravi de le savoir.”

Mon adversaire, brun et avec une parka noire, semblait sourire pour sous-entendre quelque chose, et hocha la tête pour me saluer.

“Ah, oui, je suis aussi ravie de jouer avec toi !! Je vais t’expliquer les règles, donc, entre, je te prie!”

Tout en ouvrant grand la porte, le jeune garçon entra dans la salle, tout en disant, “Ouah, ça tue~”

“B-Bon, je vais viser haut.”

Ai-je dit à Haruka, qui était toujours aussi gonflé à bloc, et ai fermé la porte.

“Humm, bon, alors je vais t’expliquer les règles. Là, tu vas jouer contre moi au jeu qu’il y a, juste au mileu de la table. Celui qui tue le plus de monstres gagne la partie ! Fastoche, non?”

J’essayai d’expliquer chaleureusement, comme ferait une grande sœur, tout en affichant un sourire tragiquement forcé.

Cette fois, le client avait l’air normal. Nan, c’était sûrement parce que le premier client avait été beaucoup trop ‘aliéné’, que je pensais ça….

“Ohh ! Ça a l’air sympa ! Même si ils ont pas l’air d’être là…Bon, et du coup ? Tu veux essayer, Kido ?”

“T’as vu? ….. Hm? Kido? Qui—Hiiiiiiii!!”

Même si le jeune garçon m’avait écouté, et regardé dans les yeux tout en souriant, il commença soudainement à parler au vide qui se trouvait à côté de lui.

L’espace d’un instant, je comprenais pas ce qu’il faisait, mais au moment où je dirigeai mon regard vers le vide auquel il semblait parler qui, à ma grande frayeur, n’existait plus.

Jusqu’à présent, j’étais convaincue qu’il était venu seul, ce garçon.

Mais là, se trouvait à côté de lui une fille à capuche d’à peu près la même taille.

Il faisait noir, donc je ne pouvais pas très bien voir son visage, mais la voix qui avait marmonné un petit “Moui,” ne pouvait être que celle d’une fille.

“Ah, qu-qu-qu-qu’est-ce que….”

J’étais tellement choquée que je pouvais à peine me tenir debout. J’étais sûre que cette fille n’était pas là quand on avait parlé dans le couloir, ou quand j’ai laissé le garçon rentrer dans la salle. Je pouvais y mettre à main à couper.

Aucune autre opportunité d’entrer dans la salle ne s’était présentée, au moment où la porte s’ouvrit. Quand j’y j’essayais d’y réfléchir, je me disais qu’elle avait dû venir avec le garçon mais….Je pouvais pas m’empêcher d’avoir l’impression qu’elle est apparue de nulle part.

“Frangine, vous allez bien? Ah, si c’est parce que vous vous inquiétez à propos d’elle…elles…est là depuis le début, en fait. Elle a pas une super prestance, alors elle se fait pas souvent remarquer par les autres …. —Aïeuh !!”

La jeune fille avait l’air d’être vexée d’être vue comme n'ayant pas une “super prestance,” et avait frappé le garçon dans le ventre.

Mais même si elle avait pas une super prestance, ça allait jusqu’à paraître inexistante comme ça ?

— C’était possible qu’elle soit un genre de fantôme? Cette pensée traversa mon esprit, mais c’était complètement irréaliste. Pour quelqu’un comme moi, qui ne croyait pas du tout au surnaturel ou à la superstition, genre les fantômes et les esprits, c’était sûrement plus raisonnable de juste dire qu’elle était juste “très discrète”.

“…. Hum, on peut commencer ou…?”

“Hii …!A-Ah, oui, bien sûr ! Je t’en prie, va t’installer….!” En mettant de côté la réelle identité de cette nana, il était sûrement plus judicieux de boucler ça aussi rapidement que possible.

Mais même si elle était un fantôme, elle avait pas l’air de vouloir me faire du mal. Enfin, je crois.

…. Elle allait pas non plus me maudire ou un truc du genre. Je pense.

Mais, attends, si jamais au lieu de prendre la manette dans ses mains, elle la faisait flotter dans les airs et commençait à la manipuler comme ça, alors je m’en fous, je me casserais d’ici. En me persuadant d’une manière que je ne comprenais pas tellement, je me dirigeai vers les sièges.

J’arrivai donc devant les sièges avec la fille, mais à ce moment-là, mon cœur commençait à battre de plus en plus vite.

Je l’ai regardée discrètement, afin d’avoir une petite idée de son visage grâce à la faible lumière de l’écran en face d’elle.

Elle avait un teint clair, ainsi que de longs et beaux cheveux. Elle avait, elle aussi, des yeux insipides, mais avait cependant un très joli minois, et j’étais sûre qu’elle allait devenir une magnifique femme.

Mais la façon dont la lumière se répartissait sur son faciès donnait l’impression qu’il sortait tout droit d’un film d’horreur.

Je commençai le jeu avant de perdre la boule.

“Ah, h-humm, comme j’ai dit plus tôt, c’est un jeu de tir, avec un système de points! Si tu obtiens un plus grand score que moi, alors tu seras récompensée avec un super prix! A-Alors, quelle difficulté veux-tu choisir ….?”

“…. Normal.”

“Ah, ben oui ! C’est évident ! Désolée ! Bon et bien, c’est parté !”

Au moment où j’ai mal prononcé, sans faire exprès, la fin de ma phrase, le garçon qui se tenait derrière mon adversaire pouffa de rire.

Dès que j’ai entendu son ricanement, j’ai eu honte de moi.

Alors que de nombreuses pensées, diverses et variées, valsaient dans ma tête, je me suis concentrée sur mon objectif d’en finir avec ça le plus vite possible.

En sélectionnant le difficulté “normale,”, j’appuyai sur ‘START’ sur l’écran titre, et les cibles commencèrent à apparaître par petits groupes.

Comparé au niveau ‘EXTRA’ de tout à l’heure, là, il y avait beaucoup moins d’ennemis, mais aussi un nombre de points possibles beaucoup plus faible.

Et ça, c’était juste un ressenti, mais par rapport au mode ‘EXTRA’, il y avait un nombre énorme de cochons ; on dirait que c’était la particularité de ce mode.

Cela faisait déjà une minute que la partie avait débuté.

La façon de jouer de la jeune fille n’était en rien original, et était en fait assez ordinaire.

Ce n’était pas une victoire vraiment très satisfaisante pour moi, qui avait joué au mode ‘extra’ avec un autre grand joueur tout à l’heure, mais bon, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose, venant d’une fille aussi banale qu’elle.

Mais même si je pouvais parfois entendre des petits cris, du genre “Oh non!” d’une voix très mignonne, elle jouait un peu sans rentrer dans le délire.

Je supposais alors qu’elle commençait ses journées en étant genre “Rah, c’est tellement chiannnnnt, j’en ai maaaarre~!” puis en faisant “Haha, c’est comme ça, on peut rien y faire.” Et qui plus tard troquait son sourire pour un masque de Hannya. (1) Cela me semblait très simple à faire, juste en y pensant.

Mais alors qu’il ne restait que trente secondes au competur, un désastre est arrivé sur mon écran.

Un ‘bug’ assez chelou a fait que les cochons et le viseur de mon pistolet avaient disparu.

“H-hein …..!? C’est quoi ce glitch….?”

Derrière la fille rigolait le garçon, “Mais enfin, Kido, flippe pas ! Fonce !”

Alors j’ai fait tout ce que j’ai pu pour continuer à tirer sur les ennemis, mais se sachant pas où je visais, c’était tout bonnement infaisable.

Et pendant ce temps-là, notre écart de points se resserrait de plus en plus. Moi qui pensais qu’on aurait une assez grande différence de points, ça s’était retourné contre moi …!

Alors que ça commençait à franchement pas sentir bon, la sonnerie retentit pour annoncer la fin de la partie.

Vu que j’avais essayé de quand même tirer de toutes mes forces, je n’avais aucune idée de ce qu’étaient devenus les points. J’ai fermé les yeux pour prier, avant que les résultats ne s’affichèrent sur l’écran.

Si je perdais maintenant, le second client allait repartir avec notre lot.

Et c’était une situation inévitable avec laquelle on ne pouvait pas négocier.

Tandis que la petite musique fanfaronne jouait, les résultats se déroulèrent. J’ouvris les yeux, très lentement, pour le vérifier, et avec un ridicule écart de 100 points, mon écran m’affichait un ‘GAGNANT’.

Je suai, paniquée. Alors ça…Une erreur dans le jeu pouvait nous faire tomber aussi bas….

Ou alors, il était possible que ce con de prof ait oublié de programmer à ce moment crucial du jeu…

En pensant à ça, j’entendis le garçon glousser à côté de moi.

“Hahaha, on dirait bien que t’as perdu, Kido. Mais bon, ça aurait pas été très juste de gagner en trichant, si? Allez, va t’excuser auprès de notre frangine.”

Tandis qu’elle se faisait sermonner par le jeune homme, le visage de la jeune fille semblait essayer de retenir des larmes de peur, voire de mortification, carrément.

“ ….. Pardon.”

Avait-elle dit d’une voix tremblante, avant de se lever de sa chaise et d’aller vers la porte, à pas effrénés.

“Hein, en trichant ….? Mais non, c’était un dysfonctionnement du jeu, c’était pas de sa faute.”

Peu importe l’angle qu’on prenait, le phénomène étrange auquel je venais d’assister ne pouvait en aucun cas être de la triche. Elle n’avait pas ‘hacké’ l’ordi, ni interféré, alors il n’y avait aucune fraude.

Mais même quand j’ai dit ça, le garçon continua de plaisanter.

“Excusez-nous, frangine, vraiment. Vous allez peut-être pas me croire, mais juste à l’instant, cette demoiselle a utilisé un pouvoir psychique. Vous verrez, la machine est pas défaillante, et le jeu a aucun problème non plus, donc ça devrait remarcher normalement maintenant. Vous inquiétez pas.”

Après avoir dit ça, le jeune garçon sortit de la salle après la fille, avant qu'ils ne partent dans le couloir sans regarder derrière eux.

Au moment où ces deux-là se sont éclipsés, et sont arrivés dans le couloir, j’entendis Haruka crier “Ouaaaaah!” , comme je l’avais fait plus tôt ; il n’avait probablement pas capté que la fille était présente.

En lâchant ma manette, je restai abasourdie, mon regard posé sur la porte par laquelle ils avaient déguerpi.

J’avais presque l’impression d’avoir été trompée par un renard narquois et malicieux.

Une fille fantôme aux pouvoirs psychiques, et un garçon qui ne faisait qu’ironiser….

Même en racontant cette histoire véridique, on me couperait soudainement pour me dire, “Tu regardes beaucoup trop d’animés.”

Et comme je l’avais deviné, Haruka déboula dans la salle, et s’est exclamé ;

“Cette fille était là depuis le début!? Je n’avais pas du tout remarqué!!”

“Mais enfin, elle était pas ….? Je veux dire, regarde ….”

Je lui indiquai l’écran qui exprimait la bataille ardue que j’avais menée contre cette fille.


  1. chuunibyou : un état mental où un pré-adolescent/adolescent se crée une seconde identité, la plupart du temps magique ou surréaliste, en la prenant très au sérieux. ↩︎

Sommaire du volume 2