Kagerou Days 3 (partie 2)
* Sortie du cimetière, Hiyori tourna à droit dans une rue avec aisance.
Je fis une nouvelle découverte ; le sens de l'orientation d'Hiyori était très bon. Elle n'a été dans la ville que pendant deux ans, et pourtant, elle donnait l'impression d'y avoir habité depuis toujours, courant sans cesse vers sa destination, sans hésitation... Sur les routes où je pouvais me perdre même avec une carte, elle pouvait marcher vers son objectif sans la moindre difficulté. C'était vraiment impressionant.
Sans rien penser ni demander, je me contentai de suivre les pas d'Hiyori pendant environ un quart d'heure. Le nombre de piétons autour de nous augmentait ; Je compris vaguement que la destination d'Hiyori était dans le centre-ville. Je l'avais déjà ressentie hier, mais je ne pouvais toujours pas me faire à l'atmosphère de la ville. De différents types de publicité, des voitures qui circulaient et le rire des gens qui, couche par couche, créait une massive voix dissonante, ce qui transformait mon cerveau en bouillie face à ce trop-plein d'informations.
Et, par dessus-tout, il y avait la chaleur.
Me souvenant de l'époque d'il y a quelques jours, où j'étais encore rempli de grandes attentes à propos de ma vie ici. A ce moment précis, je fus profondément conscient de ma propre ignorance. Même avoir je ne sais combien de vies ne me serait toujours pas suffisant pour que je survive dans ce genre d'endroit. Là, je n'étais même pas sur que je passe les vacances d'été.
“Ah, le voilà. Patiente un moment. ”
Une rangée de magasins colorés. En face de l'un d'entre eux, Hiyori s'arrêta. Vue la manière qu'elle était entrée sans hésiter dans le magasin, on dirait qu'elle avait atteint sa destination.
“Quel genre de magasin tape-à-l'oeil est-ce donc……”
Tout en attendant Hiyori comme elle me l'avait dit, j'observais les décorations à l'extérieur du magasin. Un mur incroyablement rose, des décorations ressemblant à des cookies et des bonbons partout. Sur le panneau entouré de néons afin d'augmenter l'impact une fois la nuit tombée, le nom du magasin était écrit en d'énormes lettres scandaleusement jaune fluo.
Les décorations hypercaloriques combinées à la chaleur me donnaient envie de vomir.
Quand Hiyori reviendra, je devrais aller boire quelque chose…… Si je me déssèche, qui sait ? Je serais peut-être utilisé comme décoration et mis à côté de tous ces cookies et bonbons.
*
La porte automatique s'ouvrit avec un bip, et Hiyori ôrtant deux petits sacs apparut.
“Ah, re. T'as acheté les trucs que tu voulais ?”
Hiyori sourit et répondit “Ui !”
Ce trop plein de mignonne et adorable douceur fit battre mon coeur plus vite.
Ahh, super, super, venir pour voir ça en valait tellement la peine………
“J'AI ACHETE UN CADEAU POUR KONOHA !”
Je retire ce que j'ai dit. Je n'aurais pas dû venir. Encore ce mec. Mais qu'est-ce qu'il se passe, sérieux ?
CADEAU !? MAIS POURQUOI !!!??
“Hein ? Qu'est-ce que tu veux dire par cadeau…?”
“Quoi ? C'est pas tes oignons…”
“PAF” le sujet fut clos, et je ne trouvais rien d'autre à dire.
On dirait que pendant tout ce temps, être dans cette ville n'avait été qu'un entraînement intensif afin d'augmenter ma résistance à la douleur psychologique ou un truc du genre.
“Ah, mais regarde, j'en ai acheté un pour toi aussi”
“Ah, je vois…… HEEIINN !!?? POUR MOI !!??”
“Bah oui. Regarde.”
Tandis qu'Hiyori dit ça, elle me tendit lentement un petit sac qu'elle portait dans l'autre main. L'instant d'après, mon échec de vie jusqu'à présent défila devant mes yeux et mon visage devint chaud.
“M-MERCI………………………”
“P-Pourquoi tu pleures………… Beurk……”
Je retirai ce que j'avais dit, mais c'était juste trop bien. Je ne m'étais jamais attendu à être autant surpris, même pas mes rêves, avant.
“Je suis tellement heureux……… Merci. Ah, je peux l'ouvrir !?”
“Hm ? Bien sûr."
C'était un petit sac avec des pois rose clairs dessus, et au vu du poids je devinai qu'à l'intérieur se trouvait un genre de porte-clés. Non, peut-être une sorte de carte ?
Tandis que ma poitrine continuait à se dilater en anticipation, j'ouvris le sachet avec le sourire le plus rayonnant que j'avais fait de toute la journée, mais alors, un fumet immonde qui ressemblait à l'odeur du poisson cru pourri sortit du sac.
*
"UWAH, CA SHLINGUE !?”
Face à cette situation inattendue je ne pouvais m'empêcher de hurler. D'un sac porté par une petite fille qui sortait d'une boutique, une odeur sérieusement infâme de poisson sortait. Bien sûr que j'étais choqué.
Qui ne le serait pas ?
Avec précaution, j'ouvris le sac et regardai à l'intérieur. La chose qui en sortit était un porte-clés d'un genre de créature mystérieuse ; un saumon avec des jambes humaines.
“Ah ? Quoi, t'as quelque chose à redire ?”, Hiyori grommela, impassible et hautaine, comme toujours.
“NON, HHHEEEEEIIIIIIIIN !!!??? RIEN A REDIRE, MAIS C'EST QUOI !? C'EST QUOI CA !!??”
Si ça avait été un porte-clés à l'odeur fruitée, je pouvais encore comprendre, mais cette chose-là n'était malheureusement qu'un produit parmi tant d'autres fabriqué dans l'unique but de se moquer des gens. NON, c'était un échec total et absolu.
“Ca s'appelle ‘Sangle pour téléphone Tranche de Saumon’. J'ai senti que ce genre de truc te plairait”
“NON NON, PAS DU TOUT, OK !? ET D'AILLEURS, EST-CE QUE J'AI DEJA FAIT QUELQUE CHOSE QUI TE FERAIT PENSER QUE JE SUIS COMME CA !?”
“Nan, c'est juste que j'ai pensé que tu aimerais ce truc qui pue”
Tout en disant ça, elle rit avec mépris en faisant “hmph” avec, une nouvelle fois, son regard autoritaire. Aah, elle se moquait carrément de moi.
“Uh… Uuurgh………… Mais merci quand même”
Je me sentais quand même heureux d'avoir reçu le cadeau, alors je ne pouvais plus en débattre.
Regardant mon expression misérable, Hiyori ricana encore une fois avec un nouveau “hmph”.
“Bon, ben, il est presque l'heure de rentrer…… Il ne nous reste plus trop de temps”
“Ouais, exact. Bon eh bien, on devrait passer par cette route……”
Comme d'habitude, Hiyori se mit rapidement en mouvement, mais remarqua ensuite quelque chose et accéléra soudainement sa course. Je regardai les pieds d'Hiyori - le coupable qui avait en fait causé l'arrêt de l'Hiyori rebelle n'était étonnamment qu'un chat noir. Il était apparu à côté de sa jambe et pendant que j'étais en train de me demander d'où il avait pu bien sortir, le chat noir commença à doucement frotter sa tête contre Hiyori, en ronronnant.
“Wow c'est un chat, Hiyori. On dirait qu'il t'aime bien.”
Le chat noir à la fourrure propre s'enfuit tout de suite après avoir ronronné contre Hiyori, et juste comme ça, partit dans une longue allée étroite.
“Ah ~. Il s'est enfui. J'avais vraiment envie de le caresser. Et toi, Hiyori………?”
“J'VEUX ADOPTER CE CHAT…!”
L'expression d'Hiyori devint encore plus extrême que le jour précédent, quand elle avait rencontré Konoha pour la première fois. Son visage rougit, sa respiration s'accéléra.
“Hein, t'as dit quoi là……?”
“JE VAIS LE CHERCHER, HIBIYA !” dit Hiyori avant de courir dans l'allée afin de poursuivre le chat noir.
Différentes pensées tournaient dans ma tête, mais mis à part ça, je décidai que je devais goûter à la joie d'avoir mon nom prononcé par Hiyori, et je la suivis. Dépassant en un instant la poubelle en métal qui se trouvait à la porte arrière d'un bâtiment, puis escaladant avec hâte les petites marches couvertes de mousse, et enfin, courant au milieu des foules étroites sur la grande route.
“Uwah… H-Hiyori, je crois plus qu'on puisse le trouver, là……”
“Non, je viens tout juste de voir sa queue. Le voilà !”
Hiyori tourna à gauche et frappa le sol, augmentant sa vitesse. Courir comme ça dans un endroit bondé de gens était assez incroyable. Heureusement que je courais derrière Hiyori, je ne bousculai personne grâce à ça. Pas à pas, je courus le long de la route.
“Haa…… haaa…… LE VOILA ! JUSTE LA !!’
Hiyori prit un second et rapide virage à gauche ; s'y trouvait un parc pour enfants. Je courus vers le parc aussi, et dans l'ombre de la balançoire bleu clair, s'était assis le chat noir.
"J't'ai eu !”
Hiyori réduisait la distance entre elle et le chat noir petit à petit.
“Huhuhu……… Gentil minou, gentil minou. Sois un bon chat et laisse moi te caresser à ma guise………”
Hiyori prit une brève inspiration et fit un pas en avant, libérant une atmosphère qui me donnerait envie de m'enfuir aussi rapidement que possible si j'étais le chat.
Cependant, on ne pouvait pas dire que le chat avait envie de courir, il n'avait même pas tressailli : il avait tout simplement continué à fixer intensément Hiyori.
Alors que je pensais à cette chose étonnante, je remarquai d'un coup quelque chose qui me donna des frissons.
* Les yeux du chat noir qui fixaient Hiyori étaient aussi rouges que du sang.
Hiyori ne l'avait pas remarqué ?
En observant Hiyori qui semblait attirée par cette morbidité, je trouvai ça louche - comme si quelque chose avait possédé son corps. Ca me semblait dangereux.
“H-Hiyori ! Attends! Tu le trouves pas bizarre ce chat ?!”
“Hein ? Quoi !?”
Quand Hiyori entendit ma voix, elle tourna la tête, choquée, et le chat noir me jeta un coup d'oeil et s'immobilisa comme s'il voulait dire quelque chose. Après ça, il s'enfuit.
“Ahh !! IL S'EST ENFUI !”
Je tournai mon regard, Hiyori marchait en ma direction, l'air très en colère.
“M-Mais ce chat, là, il était bizarre, non ? J'étais inquiet…… du coup……”
“FOUINEUR ! TON INQUIETUDE REND TOUT ENCORE PLUS PENIBLE !!”
Hiyori hurla, tout en me jetant un regard furieux. Cela n'était toujours pas suffisant pour calmer sa colère, alors elle continua à me crier dessus.
“En plus, j'ai jamais voulu quelqu'un d'aussi peu fiable que toi avec moi, je voulais que Konoha s'inquiète pour moi ! Et c'est quoi ton problème à bégayer depuis hier !? T'ES STUPIDE OU QUOI !?”
Ayant tout ces mots jetés vers moi en continu, ma tête s'encombra.
Je sais quel est ce sentiment, mais n'est-il pas un peu trop tard pour ce que je veux faire ?
“Quoi stupide…… POURQUOI……… POURQUOI TU COMPRENDS PAS !?? C'est pas comme si je bégayais exprès…………”
“Heein ? Je croyais que t'aimais bien bégayer comme ça. Alors c'est quoi la raison derrière ?”
"C'est parce que………"
Je ne pouvais rien dire pour contrer le regard acéré d'Hiyori ; comme d'habitude. Et, là aussi, mes mots furent immédiatement coincés.
*
Aah, avais-je déjà réussi à transformer mes pensées en mots sans hésitation ?
Non, peut-être jamais.
Si je disais ”ces mots” tout haut, qu'est-ce qu'il se passerait ensuite ?
Mon cerveau était abasourdi, mon coeur me faisait mal. Et avec ceci survint une brûlure.
“Q-Que…………”
“C'est parce que……… envers toi, Hiyori………”
“Arrête ça…………”
“Depuis bien avant, depuis très longtemps, j'ai toujours………!”
“JE T'AI DIT D'ARRETER, NON !?”
C'est avec le cri d'Hiyori je repris soudain connaissance.
En regardant avec précaution son visage, elle paraissait être au bord des larmes.
Peut-être est-ce parce qu'elles avaient été stimulées par la voix d'Hiyori que maintenant les cigales jusque là silencieuses devinrent bruyantes, et leurs stridules, venant de partout, m'entouraient comme si elles me blâmaient. Ce moment qui ne prenait pas fin était déjà bien suffisant pour regretter mon action impulsive.
*
“T'ES LE PIRE”
Lorsque que j'entendis finalement ces mots venant d'Hiyori, comparé à chaque fois où elle m'avait grondé dans ma vie, cette fois-là atteignit au plus profond de mon coeur.
“J-je……”
Supposant que je ne pouvais rien dire, ma stupide bouche prononça ses propres mots.
“Je rentre. Ne me suis pas.”
Je ne pouvais même plus regarder Hiyori, et me contentai de baisser la tête. Le cadavre de la cigale sur le sol était allongé sur le dos.
Est-ce que cette personne a dit quelque chose sur moi à quelqu'un? Même moi ne pouvait le savoir.
Mes larmes commencèrent à couler toutes seules sur mes joues, chaque larme faisant un point noir sur le sol.
*
Peu importe, ceci n'avait aucune importance. Les pas d'Hiyori qui s'éloignaient peu à peu s'arrêtèrent soudainement.
”Depuis quand t'es là, toi…?” Hiyori lança tout haut et au vu de son intonation, je pouvais savoir à qui elle parlait.
Le deviner était franchement facile, mais c'était la dernière chose que je voulais. Je levai la tête et me tournai vers Hiyori. Comme on pouvait s'y attendre, à l'entrée du parc se tenait Konoha, en sueur.
“Euh…… Depuis le début. Enfin, quand je me suis réveillé j'ai réalisé que vous étiez tous les deux absents…… Alors, j'ai pensé que je devais venir vous chercher………”
Hiyori demanda à Konoha, rassemblant ses mots un par un, d'une voix tremblante :
“…… Cette conversation à l'intant, tu l'as entendue ?”
Konoha resta le même, et avec une expression qui ne laissait personne savoir ce qu'il pensait, il répondit du tac-au-tac:
“Hein ? Ouais, je l'ai entendue.”
Dès qu'Hiyori entendra ça, elle déguerpira quelque part, je pouvais clairement imaginer ce scénario à cet instant-là.
C'était grâce à cette pensée que je fus à une longueur d'avance d'Hiyori qui se rua hors du parc. Mes jambes couraient déjà vers elle.
……… Qu'est-ce que je voulais faire ?
Trouver une nouvelle excuse ?
Ou bien tenir la main d'Hiyori avant Konoha ?
Sans surprise, cette dernière venant de s'enfuir, elle avait déjà perdu la grâce qu'elle avait quand elle courait avant, dans les foules. Elle essayait juste de s'échapper d'ici, de quitter cet endroit en bougeant bêtement ses jambes.
Rien que quelques pas et je pouvais tenir sa main.
*
Mais alors que j'en étais si proche, le spectacle en face de moi me pétrifia. En face d'Hiyori, à la fin des bandes blanches conçues d'une manière régulière, brillait un feu rouge. Et la signification de ça… C'était quelque chose qui pouvait facilement être compris sans même y réfléchir.
Cela représentait, sans aucun doute possible, “LE DESESPOIR”
“HIYORI !! FEU ROUGE !!!”
Rien qu'un, rien qu'un seul pas……… Non, il était déjà trop tard. Mon dernier geste était si spontané que ça me surprit. Avais-je déjà fait quelque chose d'aussi audacieux envers Hiyori auparavant ? Au vu de son regard surpris, je pouvais dire qu'elle ne s'était pas du tout attendue à ce qui arriva ensuite. Je ne m'y étais pas attendu non plus, ainsi nous étions pareils.
Avant que le camion ne s'approche avec un lourd bruit, je fis enfin réellement le voeu de tenir la main d'Hiyori jusqu'à la toute fin.